Bon et bien voilà. Hier je publie un article consensuel, calme et mesuré, m’attirant aucun soucis (jusqu’à maintenant, on sait jamais y’a peut-être un fan de Under the Dome qui va péter une durite). Mais comme j’aime attiser la polémique, et surtout parler autour de sujets qui m’intéressent (et qui me semblent important) j’ai décidé de me replonger dans les méandres du mouvement protéiforme connu sous le nom de #gamergate sur Twitter, et les internets.
Avant que les trolls du mouvement (et personne ne peut le nier) commencent à se lancer dans la mêlée sans avoir lu l’article (si des gens veulent lire l’article) je précise que le traitement dans la suite sera basé sur ces deux articles de Forbes et Real Clear Politics. Articles qui, si vous faites l’effort de les lire, sont relativement ni pro, ni contre mais essayent d’aborder un ton neutre dans cette Ô combien compliquée affaire. (quoi que celui de Real Clear Politics est un brin plus à charge).
Donc petit résumé des événements autour de ce hashtag. Cela remonte au début de l’été lorsque l’ex petit ami de la développeuse indépendante Zoe Quinn publie sur un blog des « révélations » autour de la vie sexuelle personnelle de son ex petite amie et ses prétendues coucheries avec des gens du milieu de la presse vidéoludique. Je ne sais pas s’il l’accuse directement d’avoir couché pour obtenir des tests positifs, ou si c’est sous entendu, mais peu importe ces accusations ont été très vite niées par les intéressés (Kotaku entre autres). S’en suit donc un débat, plutôt un outrage, sur les réseaux sociaux, à propos des liens parfois étroits qu’entretiennent journalistes spécialisés et créateurs. Le hashtag en lui même a été lancé par l’acteur Adam Baldwin (acteur de Firefly et Full Metal Jacket) lorsqu’il a retweeté un article par l’activiste féministe Ariel Connor.
Depuis le mouvement ne cesse de grandir, de changer et de muter (d’où mon terme protéiforme). Ce qui a été principalement médiatisés, que ce soit dans la presse spécialisée ou généraliste (ainsi Le Monde et Libé en ont parlé), sont les cas (nombreux hélas) de harcèlements, menaces de morts et de viols, dévoilement d’adresse, hacking visant des personnalités féministes comme Anita Sarkeesian, Zoe Quinn, et de manière générale de nombreuses personnes soutenant la cause féministe.
Aujourd’hui nous en somme a deux mois de ce bordel infâme. Chaque « camp » est engoncé dans leur positions et se balancent articles, contre articles, tandis que les plus violents, sociopathes et malsains des deux côtés, lancent des attaques virulentes, à base de hacking, révélations d’adresses et menaces, contre ceux qu’ils perçoivent comme l’ennemi. Ca fait deux mois que ça dure, j’en avais déjà parlé, et j’étais à charge contre le mouvement dans son ensemble. Mais il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis, et je vais essayer d’expliquer clairement pourquoi ma position a un petit peu changée.
Déjà : je ne soutiens ni le #gamergate, ni les tentatives d’intimidations de qui que ce soit. Je ne cautionne aucune menace de mort, viol, aucune révélation d’identité, aucun harcèlement, aucune théorie du complot à propos d’Anita Sarkeesian, ou Zoe Quinn. Mais d’un côté je ne soutiens non plus aucun harcèlement et aucune théorie du complot à propos du #gamergate comme porte de l’extrême droite réactionnaire, et aucune tentative d’intimidation de gens qui se sentent concernés par le sujet.
Dans mon article précédent j’avais parlé de plusieurs éditos de la presse spécialisée qui disaient que les gamers étaient mort. Quoique je sois assez d’accord avec ça, il y a une nuance que j’aimerais préciser. Les gamers ne sont pas mort, c’est un certain type de gamer qui l’est : celui des années 90, le gamer qui correspond à la description cliché faites par les médias généralistes. Ce qui m’attriste c’est que les éditorialistes de la presse spécialisée, reprennent ce bon vieux cliché du nerd pâle dans sa cave, frustré, un peu sociopathe, pour dénoncer l’ensemble du mouvement #gamergate. Je sais pas vous mais je trouve ça très contreproductif.
Le sens même du mouvement à la base est de dénoncer la collusions (réelle !) entre journalistes et éditeurs (que ce soit de jeux AAA ou d’indé). Le fait que les mêmes journalistes dénoncés se mettent soudain à dénigrer leur lectorat n’aide pas à prouver leur « innocence ». Je mets innocence entre guillemets car il n’y a pas de coupable. Tout les journalistes ne sont pas corrompus, la majorité est honnête et éthique, seuls certains, je pense, sont compromis. On peut argumenter que les articles sur la mort des gamers sont des réactions épidermiques aux cas de harcèlements d’une violence rare, et sincèrement honteux, mais le fait est que je n’ai lu que très peu d’articles de la presse spécialisée qui, bien que critique envers les franges les plus extrémistes du mouvement, parlent du fond, de la base du problème.
Comme le dis cet article de Forbes il est temps que les journalistes spécialisés parlent du #gamergate, mais pas UNIQUEMENT sous l’angle du harcèlement et de la violence. L’idéal serait une tribune, où chaque parti discute. La presse spécialisée doit se rendre compte qu’ils ont perdu la confiance d’une partie non négligeable de leur lectorat, et qu’il est grand temps de récupérer cette confiance en discutant (et que ce n’est pas en les décrivant comme une bande de nerds boutonneux et frustrés qu’ils vont récupérer cette confiance). Nous sommes en 2014, internet est encore un endroit libre et ouvert, et il est temps, je pense, pour chacun de quitter leur position, d’arrêter de se balancer des scuds à la face et de discuter des vrais problèmes : corruption du journalisme spécialisé, sexisme dans le milieu de la technologie en général, harcèlement de membres féminins de l’industrie (et sexisme dans les jeux vidéo mais c’est bien compliqué à « résoudre »).
Comme je l’ai dis à de nombreuse reprises sur twitter : le combat de fond du #gamergate est juste, voir même important. Mais le principal soucis est que ce mouvement a été totalement envahi, et gangrené par une frange d’extrémistes violents. Ainsi le mouvement est perçu uniquement sous cet angle par une majorité du public (gamer ou grand public). Quand un mouvement est aussi mal perçu, a souffert d’un aussi grand nombre de mauvaises publicités, il est temps pour les modérés, pour ceux qui s’insurgent autant que moi des violences, d’élever la voix au dessus de la mêlée, de se lever et de dire « a tout ceux qui veulent bouter les femmes hors de leur jeux, qui veulent harceler, qui menacent, qui divulguent des informations personnelles, vous n’êtes pas le #gamergate, vous êtes une gangrène et vous devez arrêter de vous prétendre de notre mouvement ».
Dans cette affaire chacun a sa part de responsabilité, le débat est bien trop polarisé et chacun campe bien trop sur ses positions pour que ça avance. Ainsi le risque non négligeable est que ce mouvement devienne le symbole, non pas du jour où les joueurs se sont soulevés contre une presse spécialisée et une industrie qui les prends pour des cons, mais comme celui où les extrémistes de tout bords ont détruit le débat et ont pris le contrôle de la parole publique.